lundi 25 janvier 2010

Nation et sécession: l'unité comorienne est-elle en danger?

Nation et sécession: l'unité comorienne est -elle en danger?

Les électeurs des trois îles ont désigné le 20 décembre 2009 leurs représentants à l'assemblée de l'Union des Comores.
Le camp du pouvoir en place a remporté haut la main l'écrasante majorité des sièges à pourvoir, confortant ainsi la légitimité du président Ahmed Abdallah Sambi.
Une victoire entachée et marquée par la corruption généralisée mais que la communauté internationale a validée.
L'opposition est réduite à la portion congrue et représente une part microscopique à l'Assemblée et au Congrès.

Depuis quelques semaines, des voix stridentes s'élèvent et protestent avec véhémence contre la stratégie du président et de son entourage consistant à prolonger son mandat au delà du mois de mai 2010.
Une violation flagrante des " accords de Fomboni" pourtant parrainée également par la même communauté internationale.
L'ancien président Azali Assoumani sorti du bois, se hisse à la tête de cette fronde. Il se pose de façon magistrale comme le gardien et la caution morale des institutions qu'il a contribuées à mettre en place et que son successeur veut démolir.

Comme à l'accoutumée, les oppositions protestent. Les intellectuels et les cadres non encore inféodés au régime pétitionnent, débattent dans les différents organes de presse et de communication et tentent de sensibiliser les opinions nationale et internationale sur le danger d'une telle dérive .
Les élus mohéliens brandissent la menace de ne pas siéger à l'assemblée. Ils envisagent même de pratiquer la politique " de la chaise vide". Ce qui nous ramènerait 35 ans en arrière et nous rappelle l'époque où les députés maorais de l'assemblée territoriale se comportaient face au président du conseil, Ahmed Abdallah.
Ces élus se plaignent à juste titre d'être les laissés pour compte . Ils exigent le respect des accords signés à Fomboni préconisant que la présidence de l'Union des Comores reviendrait à une mohélienne ou à un mohélien en 2010.

La menace sécessionniste guette le pays. Les vieux démons refont surface. Treize années après l'aventure anjouanaise, Mohéli se rebiffe. La malédiction plane une fois de plus dans les cieux des Comores . Certains grands comoriens ravivent la haine anti-Mdzuwani et nourrissent la xénophobie. La très fragile unité nationale connaît des craquements. Elle se fissure aux yeux de nous tous, à un moment crucial de l'histoire nationale: Mayotte, la première des îles à manifester ses velleités séparatistes s'achemine vers la départementalisation en 2011.
Le président Sambi récidive . Lui que l'on a présenté abusivement comme le héros de la libération de l'île d'Anjouan se pare de la toge de défenseur de l'intégrité territoriale en avançant cette offre "un Etat, deux administartion " est entrain de décrédibiliser les thèses soutenues depuis la création de l'Etat comorien, basées sur l'unité intangible de l'archipel des Comores.
Il faut être dupe pour croire en la sincérité du Raîs et au serieux de la proposition qu'il a faite à l'assemblée générale des nations unies. Et pourtant ladite thèse séduit et reçoit l'onction du Comité Maoré qui ne jure que par Sambi et son offre diplomatique pour règler définitivement le contentieux comorien.
A mon humble avis, les politiques comme la société civile qui ont participé à la gestion des affaires de l'Etat ces dernieres années , et ce depuis le décès du président Abadallah en 1989 , endossent une lourde part de responsabilité.
Ils ont conçu à la hâte des institutions bâtardes dont la plus idiote demeure l'usine à gaz qui a fait l'objet de la modification constitutionnelle contestée, pour se partager les pouvoirs avec la bénédiction de la communauté internationale, hélas complice du malheur qui frappe ce pays .

Le jeune Etat comorien , né au forceps et de la douleur de la séparation de Mayotte en 1975, souffre d'une instabilité constitutionnelle et politque chronique, caractéristique fondamentale des Comores post-indépendantes.
En effet, Ce pays en apprentissage de la démocratie a changé cinq fois de constitution en l'espace de 35 années d'indépendance. Quelle crédibilité , Mesdames et Messieurs les politiques, vous les défenseurs irréductibles de l'unité comorienne et de Mayotte et les simples citoyens que nous sommes, avons nous aux yeux de l'opinion internationale et de nos cousins maorais lorsque chaque île composant l'Union des Comores menace à chaque mouvement d'humeur de se séparer et de faire imploser le pays?

Au lieu de se s'interroger sur les causes profondes de cette immaturité politique et chronique et d'identifier les racines de l'irrédentisme obsessionnel qui hante chacune des îles, les intellectuels et les cadres politiques et administratifs de ce pays s'attachent à bricoler à la hâte des solutions que l'on pense pérennes mais qui ne résolvent aucunement les problèmes soulevés. On s'attaque aux conséquences et oublie de façon consciente et concertée d'aborder les questions de fond.

L'enjeu est pourtant de taille car l'unité nationale est malmenée et gravement menacée. Pendant que Sambi et ses amis s'accrochent au pouvoir, dressent Mohéli et la Grande comore contre Anjouan, restaurent l'instabilité politique et aggravent l'insécurité sociale et économique, les intellectuels doivent serieusement se pencher sur l'idée et le concept mêmes de la nation comorienne.
Oser sans complexe ni démagogie se débarasser des scories de la politisation outrée et exagérée des concepts fondamentaux de la Nation, de la Patrie, et de l'Etat comoriens, galvaudés et dénaturés consciemment pour servir la cause de la revendication maoraise.
De quelle nation parlons nous? Comment la définissons- nous et qu'en est-elle aujourdh'ui?
Au delà de la langue, de la religion, des origines ethniques, des coutumes unanimement reconnus et ressassés, existe t-il une volonté commune et partagée de vivre ensemble?
Aussi provocateurs qu'ils paraîssent,ces questionnements auront je l'espère le mérite d'engager le débat et de susciter la réflexion collective.
Ce débat longtemps capturé par le militantisme et les politiques relève d'abord du champ des intellectuels et de tous ceux qui pensent, réfléchissent et conceptualisent .
Il leur appartient de nous éclairer sur ces sujets brûlants pour que les gouvernants et la société civile puissent s'approprier less fruits de leurs contributions et mener le travail de pédagogie, d'éducation et de persuation qui me semble nécessaire.
Pour engager ce début de rélexion, je me dois de citer largement le philosophe et historien RENAN qui demeure incontestablement celui qui a apporté le plus dans la définition du concept de nation (à la française bien sur) par rapport à celle des germaniques.
Ernest RENAN définissait en 1869 la nation comme" une âme, un principe spirituel...deux choses qui n'en font qu'une. L'une est dans lepassé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs; l'autre est le consentement, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçus indivis.
La nation poursuit cet auteur est donc une "grande solidarité, constituée par le sentiment de sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible: le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune".
Cette définition fait débat aujourdh'ui dans une vieille nation que nous connaissons bien , la France. Elle mérite d'être auscultée chez nous, dans une optique conforme aux réalités comoriennes contemporaines sans pour autant renier son caractère universel.
Bakari MOHAMED
25 janvier 2010

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