samedi 1 septembre 2012
Notre éducation n'est pas nationale. Et si on la renationalisait?
Nous assistons impuissamment depuis près d’un quart de siècle à une mort lente du système éducatif comorien. Les chiffres, statistiques et indicateurs publiés dans les rapports officiels et la presse nationale démontrent éloquemment l’immensurable précipice dans lequel est tombée l’éducation nationale.
Nos gouvernants versent des larmes de crocodiles à chaque publication des résultats des examens nationaux (BEPC, Baccalauréat) dont les derniers en date révèlent l’ampleur des dégâts.
Les experts nationaux comme étrangers, au chevet de ce système depuis des lustres, ne parviennent pas à soigner ce malade en phase terminale malgré les multiples conclaves (ateliers, séminaires et états généraux) dispendieux et inutiles.
L’école comorienne et tout le système éducatif sont « privatisés et vendus » à des marchands sans scrupules. Une aubaine pour des enseignants sous payés et en mal de reconnaissance qui trouvèrent là le moyen d’arrondir leurs fins de mois difficiles.
Mais, que rapporte cette privatisation déguisée à notre pauvre Etat ? Aucun centime, dans son escarcelle. Au contraire, ce dernier rétribue cahin-caha des fonctionnaires déserteurs qui émargent dans ces nombreuses écoles qui poussent comme du « mrimzungu » dans les quatre coins du pays.
En concédant à tout enseignant ou citoyen le droit d’ouvrir son école, sans conditions ni cahier des charges précis, les pouvoirs publics, tout régime confondu, ont abandonné la mission de service public qui devait garantir à tout enfant comorien le droit à l’instruction, au savoir et à la culture.
Ils ont laissé s’installer depuis de nombreuses années la pagaille et le désordre frayant ainsi la voie à l’instauration de l’école à deux vitesses qui élargit le fossé entre les possédants et les victimes de ce système inégalitaire.
Aux enfants des familles démunies, l’école publique : celle des déshérités et des oubliés de la République. Les seuls à la fréquenter sont ces malheureux enfants qui n’ont pas de tantes ni tontons expatriés en France, capables de régler l’écolage exigé par « ces patrons, marchands du savoir et de la culture ».
Les plus huppés des établissements, concentrés dans la capitale, scolarisent les filles et les fils de la nomenklentura locale. Ils engrangent les meilleurs résultats aux examens nationaux qui leur ouvrent royalement la voie à des études supérieures en France ou dans d’autres pays étrangers.
Le plus consternant dans cette histoire demeure l’absence d’un débat national autour de cette escroquerie monumentale dont les conséquences désastreuses sont patentes et avérées.
Les gouvernements successifs comme l‘ensemble de l’échiquier politique n’ont jamais annoncé au pays leur vision et projet éducatifs ni indiqué comment et avec quels moyens l’Union des Comores doit former sa jeunesse et les cadres de demain ?
Certes, les séminaires, états généraux et ateliers se sont multiplié ces dernières années dans les salles de conférences et hôtels du pays. Ils rapportent plus aux organisateurs et consultants qu’à la nation.
Nos cadres nationaux reprennent les antiennes des agences et organismes onusiens fixant des objectifs élaborés par une technocratie éloignée des réalités nationales.
Ils dissertent beaucoup sur les contenus, la qualité de la formation des maîtres, des professeurs et les grilles des salaires. Mais des slogans et des indicateurs ne constituent pas une politique. Les performances médiocres au baccalauréat, d’année en année, illustrent l’échec de ces interminables et inutiles rencontres.
Près de 75% de taux d’échec au premier groupe du baccalauréat 2012 à Ngazidja. Guère mieux dans les autres îles, sans parler de la triche organisée au plus haut sommet des instances organisatrices des épreuves.
Sous la contrainte et le diktat des institutions financières internationales, nos apprentis gouvernants, soucieux de rentrer dans les clous des exigences et des critères du FMI et de la Banque Mondiale, sabrent les budgets sociaux et sabordent ainsi le système éducatif comorien. Ils se rendent complices de ce désastre programmé.
Qu’attendent nos élites pensantes, les corps intermédiaires, les parents d’élèves, les démocrates et les progressistes attachés à un service public de l’enseignement et de l’éducation pour exiger des pouvoirs publics à changer de braquet et stopper ce naufrage qui compromet durablement l’avenir des Comores ?
Pour qu’il y ait un véritable changement, la nation tout entière doit se mobiliser et ériger la « nationalisation de l’Education Nationale « en grande cause nationale. La seule qui vaille et mérite le soutien du peuple, en ce temps de libéralisation excessive et de privatisations annoncées des sociétés publiques.
Le précieux bijou de famille que tout comorien doit préserver demeure à mon sens l « l’éducation pour tous » pour que l’égalité des chances et de la réussite soit réelle.
Bakari MOHAMED
Paris le, 15 août 2012
Publié dans Alwatwan du 22 août 2012
dimanche 7 août 2011
Altrnance démocratique et transparence: éléments de langage ou amnésie collective?
Alternance démocratique et transparence : éléments de langage ou amnésie collective ?
Une amnésie collective affecte la presse nationale et la blogosphère. A l’exception de quelques éditorialistes de renom qui savent prendre du recul pour nous informer, analyser et commenter, sans tomber dans les travers de l’agit-propagande.
Elle laisse pantois tout observateur distancié du microcosme politique de la Place de l’indépendance à Moroni
Comme à l’accoutumée, ces vecteurs de la communication entonnent à l’unisson la propagande des autorités et des proches du nouveau président de l’Union des Comores.
Deux éléments de langage sont mis en exergue par les communicants de Beit Salam et repris en chœur par les thuriféraires du régime ( souvent les mêmes qui ont encensé tous les Raîss) afin de frapper les esprits et marquer l’opinion nationale : Il s’agit de l’alternance démocratique et de la transparence dans la gestion des affaires et des finances publiques.
Si les mots et les discours ont leurs sens, peut- on véritablement parler d’alternance politique pour le cas de l’élection du Dr Ikililou à la magistrature suprême ? A cette interrogation, je répondrai par la négative.
Il est plus approprié d’évoquer d’alternance politique lorsqu’à l’issue d’une élection démocratique, l’opposition devient majoritaire ou que le président désigné par le suffrage universel émane des rangs des partis de l’opposition.
Ce qui, me semble t-il, est loin d’être le cas pour le chef de l’Etat nouvellement élu. Le président Ikililou est issu du sérail et de la mouvance présidentielle sambiste. Il dispose d’une confortable majorité parlementaire constituée d’élus du Baobab et du mouvement Orange, les deux principales formations ayant soutenu l’ex président Sambi durant son mandat.
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Autant ce dernier pouvait se targuer d’avoir incarné le changement et l’alternance en 2006, personne ne le lui contesterait.
Sambi a remporté haut la main l’élection présidentielle de 2006 et a été confortablement élu par les comoriens pour remplacer un régime AZALI, usé et corrompu qui cherchait à se cramponner au pouvoir.
Soutenu au second tour par une noria de partis de l’opposition, le candidat Sambi incarna effectivement le changement en permettant à l’opposition au régime des militaires d’accéder aux affaires de la nation.
En renvoyant les hommes en Kaki dans les casernes et la CRC dans l’opposition qu’elle a su assumer ces dernières années, c’est tout à son honneur, nos concitoyens avaient manifesté en 2006 leur désir de changement. Ils espéraient que cette fois là, leurs conditions sociales et économiques s’amélioreraient. Espoirs déçus comme par le passé.
Quelles alternance ou rupture le locataire actuel du palais de Beit Salam peut –il se réclamer quand on connaît les conditions dans lesquelles il a accédé au pouvoir?
Homme de confiance du président et régime sortants, le Dr Ikililou a été à la commande des manettes durant les six années de règne de Sambi. Différence de taille, ce dernier n’exerçait aucune fonction ministérielle avant son arrivée à la tête de l’Etat Comorien. Il était commerçant, prédicateur et ’opposant politique au régime d’Azali.
Alors que le premier président natif de l’île de Mohéli a occupé d’importantes hautes fonctions ministérielles dont le prestigieux département de l’économie et des finances. A ce titre, il a contribué à la mise en œuvre de la politique économique, sociale et diplomatique du régime de son prédécesseur dont les effets annoncés se font toujours attendre.
Candidat du Baobab, choisi par le Raiss sortant pour sa discrétion et sa fidélité inconditionnelle, soutenu financièrement et logistiquement par le mouvement Orange, la machine de guerre créée par les douaniers, le Dr Ikililou s’est présenté face aux électeurs comoriens comme « le candidat de la continuité ».
Candidat de la majorité présidentielle sortante, il a également bénéficié des largesses du régime et des moyens gigantesques déployés par l’appareil d’Etat pour mener tambour battant sa campagne, fortement marquée par la corruption massive des électeurs..
Voter Ikililou, c’était voter pour le président sortant. Et donc, pour la continuité et la poursuite de la politique et l’œuvre du président Sambi.
D’où ma stupéfaction et mon indignation face à la malhonnêteté intellectuelle et l’amnésie collective. Que les politiciens et des notables ( c’est leur gymnastique habituelle) fassent des éloges dithyrambiques et érigent le nouveau président au panthéon des grands Hommes d’Etat, vierge de tout soupçon, n’étonnerait personne.
Mais lire et entendre nos clercs ressasser à longueur de colonnes et d’interviews que le pays a connu l’alternance démocratique et vit dans la stabilité politique, il y a de quoi s’interroger sur la place et le rôle de nos intellectuels et des cadres du pays.
Etrange retournement de situation. D’un coup de baguette magique, après avoir reçu l’onction présidentielle, le président IKILILOU est devenu le pourfendeur et le plus ardent combattant de la corruption généralisée. Ce fléau dévastateur qui participe à l’appauvrissement et à la précarisation des comoriens et enrichit illicitement la caste des intouchables, encore et toujours en place, ces privilégiés aux comptes en banques bien garnis.
Modèle de la droiture, de la rigueur et de la transparence, le Président nouvellement élu devient le nouvel héros, Eliot Ness ou Antonio Di Pietro, pour ne pas dire le messie tant attendu pour éradiquer ce grand « Mal » que tout le monde dénonce pour l’avoir pratiqué d’une manière ou d’une autre et à des degrés différents.
Vite oubliées les critiques acerbes formulées à tort ou à raison pendant et après les élections présidentielles sur sa personnalité.
L’ex vice- président dont on disait « couvé et élevé » sous l’aile protectrice du président Sambi est paré de toutes les vertus aujourd’hui. Il n’est plus comptable ni responsable de la gabegie et des détournements pantagruéliques des deniers publics étalés au grand jour ces dernières semaines.
Il n’est plus le docile serviteur du président sortant, même si les principaux collaborateurs et ministres de l’ex locataire de Beit Salam ont gardé leurs places bien au chaud et sont devenus ses meilleurs conseillers.
On ne change pas une équipe et une politique qui gagnent dit l’adage populaire. Alternance, rupture, continuité, transparence, cancer de la corruption, assainissement et dégraissage des effectifs de la fonction publique, privatisation des sociétés d’Etat sur recommandation du FMI, grands projets de développements sous financement de nos frères et coreligionnaires arabes, bonnes résolutions sur l’avancée de la question de Mayotte, Mamwé et ses délestages récurrents depuis 1997, pénurie d’essence, hydrocarbures, conflits de compétences entre les iles et l’Union, retournement des vestes des cadres et politiques, poids écrasant de la notabilité de Ngazidja, clientélisme électorale, santé et éducation à l’agonie, dépravation des mœurs, confusion des genres et j’en passe….sont les maux et mots qui illustrent la continuité du régime pour ne pas dire des régimes qui se sont succédé aux Comores depuis l’indépendance.
Le Président saura t-il relever le défi et amorcer une révolution copernicienne pour mettre fin à cette malédiction et au fatalisme endémiques. On ne peut que le lui souhaiter.
Bakari MOHAMED
Paris le 26 juillet 2011
samedi 28 mai 2011
PASSERELLE : Un pont pour le rapprochement de nos îles
Depuis une quarantaine d’années, deux visions politiques dominent largement le débat national sur la question maoraise. Deux écoles de pensées qui s’affrontent violemment et durement.
Celle « des départementalistes » partisans d’un éloignement de Mayotte du reste des îles Comores et de son ancrage dans la république française et celle initiée par la mouvance révolutionnaire et maoisante incarnée par l’ASEC, le Pasoco et le Front démocratique plus tard, prônant l’indépendance immédiate et l’intégrité territoriale..
Les présidents Ahmed Abdallah, sacré père de l’indépendance et Ali Soilihi, principaux artisans de la décolonisation ratée de l’archipel des Comores, n’ont jamais incarné le courant indépendantiste.
Ils ont opportunément pris le train en marche en édulcorant la vision révolutionnaire de l’ASEC et du Pasoco, frayant ainsi la voie au séparatisme qui fait débat aujourd’hui.
Ahmed Abdallah voulait une « indépendance dans l’amitié et la collaboration avec la France » et préconisait une évolution progressive vers la souveraineté nationale prévue par « les accords « d’Oudinot » paraphés le 15 juin 1973.
Face à l’intransigeance des parlementaires gaullistes, nostalgiques d’une Algérie française et l’efficace travail de lobbying des royalistes de l’Action française, l’ex sénateur du palais du Luxembourg finit par déclarer unilatéralement l’indépendance et d’exiger le départ de la France et des troupes françaises.
Deux des six points de la plateforme du Front patriotique Uni (FPU) très chère aux Mao que le Mongozi a repris partiellement après son coup d’état du 3 août 1975.
De cette bataille frontale entre ces deux visions politiques, feu Younoussa Bamana, Marcel Henri et Adrien Giraud ont remporté la première manche en atteignant leur objectif principal : la départementalisation de Mayotte le 31 mars 2011.
La consécration d’un demi siècle de combat et une victoire historique incontestable des maorais.
Les résultats du référendum du 29 mars 2009 attestaient et confirmaient la volonté des maorais à poursuivre encore leur chemin avec la France, dans un statut qu’ils croient figé et gravé dans le marbre.
Pour combien de temps et dans quelles conditions ce statut départemental durera t-il ? Quelles mutations provoquera t-il dans les fondements des valeurs morales, religieuses, sociétales et le modèle de développement économique et social de cette île ? Quelles seront les élites politiques et administratives de demain et quelles revendications porteront elles ? Nul ne le sait à ce jour et ne saura donner de réponses définitives à ces interrogations.
Du côté de Moroni, l’acceptation de l’ancrage définitif de Mayotte dans la république française, en devenant le 101ème département paraît inacceptable. Il signifierait une trahison nationale qu’aucun comorien ne pardonnerait.
Les comoriens s’accrochent légitimement à cette revendication. La seule qui vaille, dans un pays profondément traumatisé, meurtri et appauvri.
Pour oublier nos désillusions, nos rêves brisés d’une décolonisation chaotique, inaboutie et complètement ratée, car mal pensée, nous nous sommes trouvés un nouveau rêve : le combat pour l’unité nationale.
Le nationalisme et le patriotisme aux relents anticolonialiste et anti-impérialiste ressurgissent brutalement dans le débat qui agite le cercle fermé des intellectuels et des cadres du pays.
Les anathèmes et les invectives que l’on croyait surannés et révolus refont surface. Les bien pensants de notre société sont invités à choisir leur camp et à grossir celui de l’anticolonialisme.
L’ode des années révolutionnaires et anti-impérialistes renaît et retentit. Toute autre voix qui énonce et tente d’explorer d’autres voies alternatives à celles qui nous sont présentées jusqu’ici demeure inaudible.
Nos concitoyens qui veulent sortir des schémas formatés, des pensées sclérosées et du moule unique dans lequel nous sommes confinés depuis ces quarante dernières années sont ostracisés. C’est le cas de Youssouf Moussa à Mayotte.
Ils deviennent des félons et des traitres à la nation, vigoureusement dénoncés à longueur des colonnes des journaux et des blogs, qui font florès à Moroni et dans la diaspora comorienne.
Ce discours suspicieux et parfois haineux n’enchante pas les démunis. Cette majorité silencieuse qui aspire légitimement à des meilleures conditions économiques et sociales que les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance ne parviennent pas à satisfaire.
Le peuple n’est pas dupe et mesure les maigres résultats obtenus. Aucune avancée significative n’est enregistrée par la diplomatie comorienne trente six années après l’admission des Comores à l’ONU.
Les soutiens diplomatiques se limitent aux réaffirmations des déclarations de principes. Pis, nos responsables politiques s’accusent mutuellement d’avoir retiré depuis plusieurs années l’inscription de la question maoraise à l’ordre du jour de l’assemblée générale des nations unies.
Les laissés pour compte de la société inégalitaire et injuste que » les honorables faiseurs de rêve » ont enfanté, s’entassent dangereusement dans les embarcations de fortune et tentent quotidiennement de regagner « Mayotte l’eldorado », leur rêve inaccessible. Des centaines ont péri et gisent dans le bras de mer qui sépare Anjouan des côtes maoraises.
Qui parmi nous tous, qui avons le privilège de manger à notre faim, d’éduquer nos enfants, nous soigner et secourir les nôtres en cas de besoin, ne connaît pas une femme ou un homme, jeune ou moins jeune, qui rêve de Mayotte à défaut de franchir les frontières de l’espace Schengen ?
Le rêve de l’unité nationale inscrit sur les fonts baptismaux de l’Union des Comores, aussi magnifique qu’il soit, n’enthousiasme pas les désenchantés de l’indépendance, ces femmes et ces hommes dépourvus de tout système de soins et de protection sociale digne de ce nom qui aspirent au minimum vital.
Aussi populaire et patriotique qu’il soit, ce rêve n’offre pas de débouchés ni d’emplois à cette cohorte de jeunes sortis du système éducatif par centaines sans aucune perspective d’avenir.
Le beau rêve séduit seulement la fraction la plus éclairée et engagée de l’intelligentsia qui gravite autour du Comité Maoré et de la kyrielle d’associations qui font entendre avec justesse et passion leur anticolonialisme.
Il convient également aux politiciens surgis de nulle part, bien installés dans le système et qui ont érigé la corruption, la courtisanerie, l’assistanat, l’émigration des forces vives et la diplomatie de la mendicité en un système et mode de gestion des affaires de la nation.
Alors, faut il au nom de « l’union sacrée ou de la raison d’Etat » étouffer le débat, stériliser les pensées et enfermer tout le monde dans le moule de l’anticolonialisme primaire et du juridisme pointilleux, cette pensée unique qui nous a fait tort dans le passé ? Ou au contraire, laisser d’autres voix plus iconoclastes s’exprimer et s’affronter pour qu’enfin s’ébauche un véritable débat national autour de la question maoraise et de nos rapports avec nos compatriotes de l’île de Mayotte.
Dans le contexte politique et institutionnel actuel, la pluralité des opinions et la diversité des approches s’imposent pour faire progresser le dialogue et trouver les réponses appropriées aux questionnements soulevés par cette séparation douloureuse qui dure depuis trente six années.
Elles s’avèrent incontournables et salutaires pour que ce débat passionné et hautement politique ne soit capturé par les tendances extrémistes dominantes ici ou la bas.
C’est la voie que souhaite explorer PASSERELLE : un cercle d’échange, de discussion, de réflexion autour de la problématique du rapprochement nécessaire et indispensable des îles que je propose de créer ensemble.
PASSERELLE veut être un lieu d’expression démocratique, ouvert aux femmes et aux hommes de l’archipel des Comores qui souhaitent militer autrement et ardemment pour le dialogue, le développement économique, social et culturel et le bien être de nos populations.
PASSERELLE parie sur l’intelligence des femmes et des hommes à Mayotte et le reste de l’archipel qui oseront sortir des sentiers battus, prendre le risque politique et intellectuel de transgresser les tabous imposés, questionner et revisiter notre histoire commune et affirmer sans complaisance ni concession nos divergences et nos convergences.
Nous devons réapprendre à parler avec sincérité à nos frères maorais, cultiver et nourrir le dialogue, nous écouter, nous respecter et refuser de se considérer comme des irréductibles ennemis.
PASSERELLE n’est lié à aucun mouvement politique ni un groupuscule militant. Il se veut indépendant de tous les pouvoirs et des gouvernements.
C’est une boîte à idée, sorte de think tank , ouverte aux talents, aux compétences des femmes et des hommes issus d’horizons politiques et intellectuels différents, favorables au dialogue et à la compréhension mutuelle des frères de sang qui ne se parlent plus depuis trente six ans.
C’est le lieu où sans passion, ni haine, les intellectuels et les cadres des îles de l’archipel des Comores, peuvent commencer à penser les Comores de demain. Un pari audacieux pour nos îles et nos populations.
Bakari MOHAMED
Paris, le 15 mai 2011
dimanche 27 mars 2011
Français ou comoriens. Pourquoi devrions nous choisir?
En pleine campagne présidentielle,"Babou des îles" titrait dans l'édition du 26 octobre 2010 du quotidien Alwatwan: Être français et président des Comores. Boire ou conduire, il faudra choisir.
Le message de l'auteur de cette chronique est limpide. On ne peut pas être français et accéder à la magistrature suprême en Union des Comores. Le destinataire était bien identifié et ciblé. Il s'agissait du juriste et professeur Abdou Djabir, candidat malheureux aux dernières élections présidentielles.
Serait il la seule cible de cette frange éclairée de l'opinion nationale qui, au nom de l'intégrité territoriale, du patriotisme et du nationalisme, cloue au pilori tous ceux qui possèdent un passeport tricolore ou émettent des opinions discordantes sur l'épineuse question maoraise?
Cette belle plume, croquant la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays, soulève un sujet très sensible et délicat aux conséquences incalculables: la double nationalité, pourtant reconnue par la constitution de l'Union des Comores.
Au delà du cas Djabir, le message habilement véhiculé dans cette chronique s'adresse aux milliers de franco-comoriens sommés par l'élite pensante du pays de choisir entre boire et conduire. Entendez bien, le choix d'être comorien ou français pour devenir président de la république, directeur d'une société publique, d'une administration centrale, entrepreneur dans le secteur privé, sportif ou artiste.
Nous sommes des centaines d'éboueurs, d'ouvriers, de femmes de ménage, de vendeurs de journaux, de petits agents du secteur public, de Rmistes ou bénéficiaires du RSA, de chômeurs de longue durée, de cadres et ingénieurs victimes de cette défiance qui ma paraît insultante et révoltante.
En raison de notre binationalité, on est considéré comme des sous patriotes, des citoyens de seconde zone pour ne pas dire des "vendus ou traîtres" à la solde de la France.
Immigrés, parents d'enfants nés en France et donc français par le droit du sol, nous sommes profondément attachés à nos racines, à notre culture, à notre pays et à son intégrité territoriale.
Certains parmi nous s'intéressent à la vie politique locale. D'autres militent dans des organisations politiques, associatives et culturelles et rêvent comme beaucoup de leurs concitoyens de changement et de progrès.
Et pourtant, nous n'avons pas voix au chapitre. Nous sommes, convenons nous en, des "non citoyens" car non électeurs. Ce droit démocratique le plus élémentaire de désigner les femmes et les hommes qui dirigent notre pays ne nous est pas reconnu.
Ici repose le véritable débat. Il est posé depuis deux décennies et n'a jamais eu de réponse satisfaisante. Et pour cause! ça arrange les "acheteurs des consciences".
En revanche, dès qu'il s'agit de "pêcher" les voix de nos familles, les politiques et les bien pensants de la République savent où nous retrouver. Ils sillonnent les cités populaires des villes de Marseille, Lyon, Paris et Nice et sollicitent l'appui et le soutien de cette communauté déchirée entre intégration et communautarisation.
Alors, boire ou conduire, parlons en. En soulevant la question du choix, Babou des îles exprime par sa belle plume aux accents très nationalistes, ce que beaucoup de nos compatriotes pensent parfois tout bas des "je viens" comme on les appelle péjorativement.
Que diriez vous à nos enfants, nés et grandis ici, qui souhaiteraient apporter leur modeste contribution à l'édification du pays de leurs parents? Seront ils marqués au fer rouge ou obligés de décliner leur certificat de bonne conduite patriotique et nationaliste pour se faire admettre dans la communauté nationale? Ou les refoulerez vous hors des frontières nationales en exigeant qu'ils renoncent à leur nationalité française?
Ce débat est passé sous silence. Et pour cause! Cette dérive patriotique me paraît inquiétante à double titre. Je suis comorien et défie quiconque pourra contester mon attachement à la terre comorienne, à sa culture, aux femmes et aux hommes qui ont façonné ce pays que j'adore.
Je suis également de nationalité et de culture françaises car j'ai exprimé la volonté d'appartenir à cette communauté, le pays de naissance de mes enfants.
J'y vis, y travaille et me sens aussi bien à Paris qu'au bord de mer de Mitsamiouli. Faut il voir en cela un reniement ou une trahison quelconque à ma patrie dès lors que cette double appartenance ne nuit pas aux intérêts vitaux de la jeune nation comorienne?
Que dit notre "Babou des îles" des comoriens confortablement bien installés dans le système, responsables de la corruption généralisée, de l'incurie et de la pauvreté qui incitent des centaines de malheureux à mourir dans le bras de mer qui sépare Anjouan de l'île de Mayotte ou qui grossissent les rangs des sans papiers en France métropolitaine, quand les donneurs de leçons de patriotisme peuvent être les passeurs et chefs des réseaux de clandestins potentiels?
N'est ce pas paradoxale de "vendre" la citoyenneté comorienne à des richissimes coreligionnaires arabo-musulmans ou à des des maffias douteuses et obliger aux comoriens nés de parents comoriens à choisir entre boire et conduire?
Alors, de grâce, ne nous obligez pas à faire ce choix cornélien.
Bakari MOHAMED
Le 23 mars 2011
lundi 22 mars 2010
Mariage: la communauté de Mitsamiouli en France entre tradition et modernité.
Les bonne âmes et les gardiens des traditions de notre région se sentent humiliés, déshonorés et discrédités aux yeux des personnalités du Milanantsi grand-comorienne.
Cet affront public affecte un certain nombre de nos notables qui réclament à cor et à cri leur association à l'organisation de ces mariages pour éviter ainsi des humiliations qui ternissent la réputation de notre ville.
Que nous reproche Yé Ngazidja ou plus précisément la féodalité grand-comorienne? quelles réponses et solutions leur propose t-on pour marquer notre singularité et défendre une approche différente, novatrice et alternative au mariage traditionnel comorien en France?
Yé Milantsi Yahé Ngazidja reproche principalement aux Mitsamiouliens leur ambivalence, leur absence de choix clair et sans ambages entre la modernité du mariage civil et les célébrations traditionnelles qui animent les banlieues des grandes agglomérations françaises durant les week-ends?
Mitsamiouli navigue dans des eaux troubles et n'arrive pas à opérer un choix.Souvent absents de ces cérémonies traditionnelles, nos compatriotes critiquent et pourfendent vigoureusement ces pratiques jugées ostentatoires et inadaptées aux réalités françaises.
Beaucoup considèrent que les sommes faramineuses accompagnées des bijoux, de la garde robe du marié,suivi na Mlazo mwana et de l'incontournable cérémonie féminine du Ukumbi atteignent plusieurs milliers d'euros et relèvent de l'absurdité. Un mariage non reconnu au pays et qui pose problème.
Mais dès lors qu'il s'agit d'un mariage d'une jeune femme ou jeune homme de Mitsamiouli, autrement dit lorsque chacun d'entre nous est concerné et doit marier sa fille, son fils, son frère, neveu ou tout proche, les pourfendeurs des archaismes appliquent les mêmes recettes et recourt inévitablement au mariage traditionnel.
Sauf que nous l'organisons mal et sommes souvent la risée du reste de la communauté comorienne, entendons nous souvent dire.
Cette situation perdure depuis des années et mérite un débat de grande envergure dans l'ensemble de notre communauté. Nous n'y échapperons pas car les événements de ces derniers mois viennent nous remémorer et bousculer nos consciences.
Les Mitsamiouliens de l'hexagone doivent sortir de leur mutisme et participer à une réflexion colective. Nous devons repenser globalement notre approche sur l'organisation du mariage traditionnel en France et tenter d'unifier nos points de vues et notre façon de faire.
La question posée est celle de savoir si nous devons réformer le mariage traditionnel, le simplifier et l'adapter aux contingences de la société dans laquelle nous évoluons et le pays de naissance de notre progéniture? ou opter pour le mariage traditionnel tel qu'il est organisé et pratiqué par l'ensemble de la communauté comorienne expatriée.
Là gît le problème. La question centrale s'articule autour de la place et du rôle de Mitsamiouli dans le système du Milanantsi en France.
Mitsamiouli ne doit pas se recroqueviller ni s'isoler du reste de la notabilité comorienne. Notre présence dans les différentes instances représentatives des régions,des villages et villes des Comores s'avère nécessaire et très utile.
Mais pas à n'importe quelles conditions. Dès lors qu'il s'agira de défendre les intérêts généraux de la communauté comorienne en France auprès des autorités, des institutions françaises et des pouvoirs publics comoriens, réaffirmer notre identité et préserver nos valeurs culturelles, sociales et religieuses dans le respect des principes républicains et laics de ce pays, Mitsamiouli doit répondre présent.
En revanche, nous devons servir d'aiguillon pour bousculer les archaismes et les mentalités rétrogrades et féodales qui freinent l'insertion de notre communauté dans la société française.
De mon point de vue, Mitsamiouli doit bannir toute forme de mariage forcé et se hisser en première ligne pour défendre la cause des jeunes qui assistent passivement à un gâchis annoncé de leur vie de couple par ces mariages arrangés et forcés.
Nous ne devons pas nous voiler la face en persistant à croire que ce gâchis n'affecte que nos amis sénégalais, maliens ou nord africains. On peut comprndre la fiereté de tout parent comorien de voir sa progéniture mariée avec un ou une compatriote au nom de la tradition et de la religion. Certes, mais pas au détriment des jeunes mariés.
La pratique de l'endogamie n'est pas répréhensible à condition de laisser à ces jeunes la possibilité de se choisir et de s'aimer. D'autant plus que l'importance démographique de la jeunesse comorienne en france n'est pas à démontrer et leur laisse plus de choix.
Ces jeunes disposent de relais et de leiux de sociabilités pour se rencontrer, se découvrir et finir par s'aimer et se marier. La foultitude d'associations, les lycées et les établissements supérieurs ainsi que les séjours au pays durant la période estivale constituent à la fois des lieux et des occasions de rencontres.
L'expérience des années 70 et 80 l'a bien trouvé. A l'époque, les étudiants et stagiaires comoriens dispersés dans les différentes académies en france militant ou pas dans l'association des stagiaires et étudiants des Comres, originaires d'îles et de villages différents se côtoyaient, se rencontraient et finissaient par s'épouser sans contrainte.
Un maorais épousait une grande comorienne et un badjinien une fille de la capitale. Cette diversité contribuait à façonner l'appartenance à un pays, à un peuple et brisait timidement le sentiment chauvin et réducteur prédominant.
Une pratique que l'on rencontrait dejà dans les années 50 et 60 à Madagascar et à Zanzibar, premières terres d'immigration comorienne. Elle existe encore ici dans la communauté et fort heureusement.
La nouveauté, c'est le côté " arrangé et matérialiste" de ces mariages depuis le début des années 90. On se marie pour " régulariser une situation juridique" et obtenir des papiers.
Les comoriens "installés" entendez ceux qui ne connaissent pas les souffrances de la la clandestinité et qui de surcroît disposent du sésame de la nationalité française se croient tout permis et imposent leurs règles.
Ils osent frapper à toutes les portes et demander en mariage des jeunes femmes ou des jeunes hommes de milieux, social, économique, intellectuel ou régional différents des leurs.
Le mariage se monnaie. Il a une valeur marchande autre que la dot. Ce que nos jeunes nés ici éprouvent du mal à comprendre et à admettre. Très peu opposent de la résistance de peur de se voir marginaliser ou de froisser des parents attachés aux traditions.
C'est pourquoi les éduacteurs et parents que nous sommes, devons collectivement réfléchir à ces questions et tenter d'apporter un début de réponse en usant la pédagogie et l'éducation pour faire évoluer les mentalités.
Les tabous et les totems doivent être brisés en instaurant et privilégiant quelques règles et principes de base dans la pratique du mariage dans la communauté de Mitsamiouli en France:
1) Encourager les mariages civils célébrés en mairie suivi d'un cocktail, banquet et d'une cérémonie de présentaion de la mariée avant le bal.
2) Inciter les familles à organiser les cérémonies traditionnelles et à les réaliser aux Comores selon les formes actuellement en vigueur la bas: Posso, Mbayinicho, Mdhoihiricho ou carrément le grand mariage.
3) Instaurer un système " Yahumbiza" strictement limité au cercle familial, les mias et les proches des deux familles.
Des règles et principes à enrichir et qui seraient les bienvenus.
Bakari MOHAMED
Le 22 mars 2010
mardi 2 mars 2010
La conquête du ciel: ou la stratégie révolutionnaire de la prise du pouvoir par le Front Démocratique
Un communiqué laconique lu par le ministre Bazi SELIM, assurant l'intérim de la présidence en l'absence du chef de l'Etat en voyage privé à Paris, indiquait que des soldats de la Garde présidentielle (GP) manipulés par des civils venaient d'être arrêtés.
Mais l'évènement le plus spectaculaire demeure incontestablement l'arrestation le 11 mars 1985 de Moustoifa Said Cheikh, premier secrétaire du Front démocratique et principal leader du mouvement révolutionnaire comorien.
L'arrestation de cette figure emblématique de l'opposition révolutionnaire confirmait la version avancée par le gouvernement selon laquelle le Front démocratique serait l'instigateur de la tentative de déstabilisation des institutions de la République fédérale islamique des Comores.
En accusant le vendredi 15 mars 1985 Moustoifa Said Cheikh et le F.D d’être les auteurs du coup d’état manqué, Abdérémane Mohamed, secrétaire du parti gouvernemental (l’UCP) prenait le contre-pied du commentaire sommaire du président Abdallah qui parlait de « tentative de mal faire de la part d’éléments de la GP drogués et de civils drogués également » dans une interview accordée à Radio France Internationale.
Une thèse rapidement abandonnée par le président dès son retour à Moroni le 19 mars 1985. Le Rais, dans son allocution radiodiffusée du 21 mars 1985 déclarait à la nation qu’il détenait des documents et des témoignages accablants et irréfutables prouvant l’implication de Moustoifa et de son parti dans le complot du 8 mars 1985.
A la surprise générale, le président Abdallah révéla de surcroît l'existence d'une organisation communiste clandestine dénommée " M.C.M.L.C" (mouvement des communistes marxiste léniniste des Comores) inconnue jusque là dans le landerneau politique comorien.
Ce mouvement aurait pour objectifs selon les sources citées par le Rais de renverser le pouvoir, liquider physiquement certaines personnalités politiques et instaurer un régime communiste dont le gouvernement serait essentiellement composé des dirigeants du Front Démocratique.
Devant cette tentative de déstabilisation intérieure, Ahmed Abdallah qui était confronté à des dissensions internes (conflit opposant Taki et Mroudjaé) et intrigué par la rocambolesque aventure du soldat ANWAR de la garde présidentielle, jugea l'occasion opportune pour se débarrasser de l'aile radicale de son opposition.
Il ordonna aux mercenaires qui encadraient sa garde personnelle, sous l'oeil vigilant de Bob Denard de rétablir l'ordre et la sécurité.
Une centaine d'arrestations de militants et de sympathisants du F.D fut opérée brutalement dans l'ensemble des îles. Elle fut accompagnée d’une vaste campagne anti-communiste orchestrée par le Mufti de la République et Youssouf Abdoulhalik, principaux idéologues du régime des Fédharilés comme le nommait la feuille de propagande révolutionnaire « la voix du peuple ou Sawuti ya Umati ».
Il s’agit du premier cortège de mesures répressives arrêtées par le pouvoir et le président Abdallah pour liquider définitivement le F.D.
Au centre des interrogations que soulèvent les observateurs attentifs de la vie politique locale et l'opinion publique figure cette question centrale: la tentative du 8 mars 1985 marquait t- elle l'échec de la stratégie révolutionnaire de la conquête du pouvoir par le F.D et le mouvement révolutionnaire comorien? Ou plutôt une machination politique manigancée par le pouvoir pour réprimer et étouffer l'opposition révolutionnaire comme le clamaient ses militants et les défenseurs des droits de l’homme?
On attend depuis un quart de siècle, des anciens dirigeants et hauts responsables du Front démocratique et de toutes les composantes du mouvement révolutionnaire comorien, des clarifications sur le mystère et l'opacité qui entourent cette « affaire du 8 mars » dont les conséquences politiques et idéologiques ont vivement marqué la génération Mao, autrement connue sous l’appellation de « Msomo Wanyumeni ».
Au lieu d'éclairer l'opinion, les acteurs impliqués directement dans ces événements se sont retranchés dans le mutisme et imposé l’omerta.
Ils ont définitivement tourné la page et effacé d'un revers de la main leur passé révolutionnaire pour ne plus assumer collectivement et individuellement leurs responsabilités.
S'agit il tout simplement d'un reniement du militantisme révolutionnaire dont les conséquences se sont avérées douloureuses pour beaucoup d'entre eux qui ont enduré les privations de liberté et subi les tortures dans les geôles de la république des affreux et des notables?
Difficile de répondre à ces interrogations en raison de la chape de plomb qui pèse sur ladite affaire. Le silence et l'absence de débats à l'intérieur de la nébuleuse mouvance révolutionnaire au lendemain de ces évènements ne favorisaient pas l'éclosion de la vérité.
Le Front démocratique crée lors des législatives de mars 1982, vitrine semi-légale du M .C.M.L.C dans la première moitié de la décennie 80, semble ignorer aujourd’hui que l’absence de clarification sur « l’affaire du 8 mars » nourrit le doute et le discrédit de l’opinion à l’égard de ses dirigeants.
En opposant un non catégorique aux militants et sympathisants qui exigeaient à l’époque l’amorce d’un bilan et l’analyse approfondie des origines et des conséquences des événements de mars 1985, le FD a perdu sa crédibilité.
Depuis, il assista passivement à la décomposition et à la désagrégation de ses forces militantes et à la mort lente de l'idéologie et des idéaux qu'il défendait.
Aujourd’hui, ce parti qui incarna l'espoir et le changement et qui rassemblait la quasi totalité des intellectuels et des cadres de la décennie 80 a perdu ses troupes.
Il est devenu un parti marginal que seul Abdou Mhoumadi croit à tort avoir rempli sa mission historique en appelant à sa dissolution dans un point de vue publié par le quotidien Albalad. Une thèse fort discutable pour les raisons suivantes :
Le projet de société de cette courroie de transmission du mouvement révolutionnaire comorien me semble t-il visait à « renverser le pouvoir de la grande bourgeoisie et de l’impérialisme, mettre à bas toutes ses institutions et bâtir à la place, un régime d’unité nationale et de progrès, la Démocratie nouvelle, traduite littéralement par Démocrasy Mpiya.
Un Etat démocratique et populaire qui incarnera les intérêts de toutes les classes populaires et de progrès, promouvant l’unité nationale avec le retour de Mayotte dans l’ensemble comorien, laique et prônant la séparation de l’Etat et de la religion.
La dissolution des institutions fédérales et l’instauration d’une administration centralisée, unique et efficace figuraient en bonne place dans les propositions du Front démocratique au même titre que la réforme agraire, les nationalisations des propriétés féodales, des sociétés coloniales et des mercenaires. La terre devrait être distribuée à ceux qui la travaillent.
Ce projet est tombé aux oubliettes et jeté aux orties compte tenu des mutations intervenues dans le monde depuis la chute du mur de Berlin en 1989.
Force est de reconnaître que l’effondrement politico - idéologique du F.D est l’œuvre du président Ahmed Abdallah et des mercenaires. Elle constitue la plus grande victoire politique enregistrée par ce dernier en quarante ans de vie publique.
La déroute de ce parti, le plus important et mieux organisé des mouvements maoistes de l’océan indien, qui se réclamait de Marx, Engels, Lénine, Staline et de la pensée du grand timonier Mao TSE TOUNG mérite l’attention des historiens.
Dans cette perspective, il me parait intéressant que tous ceux qui ont consacré pendant des années une partie de leur vie aux idées et à l'idéologie incarnées par ce mouvement tentent de systématiser l'expérience d'une décennie de lutte acharnée contre les pouvoirs en place à Moroni.
Une démarche que j’entends initier modestement ici en soulevant le débat sur la place publique.
Une façon pour moi d’inciter les acteurs, les militants et les intellectuels qui gravitaient autour de cette mouvance à sortir de leur silence complice et complaisante à s'exprimer sur la défaite du mouvement révolutionnaire et de l'idéologie marxiste – léniniste véhiculée dans l'intelligentsia comorienne des années 70 et 80.
Mais c’est aussi et surtout l’œuvre de la communauté des historiens.
Bakari MOHAMED
Le 28 février 2010
lundi 25 janvier 2010
Nation et sécession: l'unité comorienne est-elle en danger?
Les électeurs des trois îles ont désigné le 20 décembre 2009 leurs représentants à l'assemblée de l'Union des Comores.
Le camp du pouvoir en place a remporté haut la main l'écrasante majorité des sièges à pourvoir, confortant ainsi la légitimité du président Ahmed Abdallah Sambi.
Une victoire entachée et marquée par la corruption généralisée mais que la communauté internationale a validée.
L'opposition est réduite à la portion congrue et représente une part microscopique à l'Assemblée et au Congrès.
Depuis quelques semaines, des voix stridentes s'élèvent et protestent avec véhémence contre la stratégie du président et de son entourage consistant à prolonger son mandat au delà du mois de mai 2010.
Une violation flagrante des " accords de Fomboni" pourtant parrainée également par la même communauté internationale.
L'ancien président Azali Assoumani sorti du bois, se hisse à la tête de cette fronde. Il se pose de façon magistrale comme le gardien et la caution morale des institutions qu'il a contribuées à mettre en place et que son successeur veut démolir.
Comme à l'accoutumée, les oppositions protestent. Les intellectuels et les cadres non encore inféodés au régime pétitionnent, débattent dans les différents organes de presse et de communication et tentent de sensibiliser les opinions nationale et internationale sur le danger d'une telle dérive .
Les élus mohéliens brandissent la menace de ne pas siéger à l'assemblée. Ils envisagent même de pratiquer la politique " de la chaise vide". Ce qui nous ramènerait 35 ans en arrière et nous rappelle l'époque où les députés maorais de l'assemblée territoriale se comportaient face au président du conseil, Ahmed Abdallah.
Ces élus se plaignent à juste titre d'être les laissés pour compte . Ils exigent le respect des accords signés à Fomboni préconisant que la présidence de l'Union des Comores reviendrait à une mohélienne ou à un mohélien en 2010.
La menace sécessionniste guette le pays. Les vieux démons refont surface. Treize années après l'aventure anjouanaise, Mohéli se rebiffe. La malédiction plane une fois de plus dans les cieux des Comores . Certains grands comoriens ravivent la haine anti-Mdzuwani et nourrissent la xénophobie. La très fragile unité nationale connaît des craquements. Elle se fissure aux yeux de nous tous, à un moment crucial de l'histoire nationale: Mayotte, la première des îles à manifester ses velleités séparatistes s'achemine vers la départementalisation en 2011.
Le président Sambi récidive . Lui que l'on a présenté abusivement comme le héros de la libération de l'île d'Anjouan se pare de la toge de défenseur de l'intégrité territoriale en avançant cette offre "un Etat, deux administartion " est entrain de décrédibiliser les thèses soutenues depuis la création de l'Etat comorien, basées sur l'unité intangible de l'archipel des Comores.
Il faut être dupe pour croire en la sincérité du Raîs et au serieux de la proposition qu'il a faite à l'assemblée générale des nations unies. Et pourtant ladite thèse séduit et reçoit l'onction du Comité Maoré qui ne jure que par Sambi et son offre diplomatique pour règler définitivement le contentieux comorien.
A mon humble avis, les politiques comme la société civile qui ont participé à la gestion des affaires de l'Etat ces dernieres années , et ce depuis le décès du président Abadallah en 1989 , endossent une lourde part de responsabilité.
Ils ont conçu à la hâte des institutions bâtardes dont la plus idiote demeure l'usine à gaz qui a fait l'objet de la modification constitutionnelle contestée, pour se partager les pouvoirs avec la bénédiction de la communauté internationale, hélas complice du malheur qui frappe ce pays .
Le jeune Etat comorien , né au forceps et de la douleur de la séparation de Mayotte en 1975, souffre d'une instabilité constitutionnelle et politque chronique, caractéristique fondamentale des Comores post-indépendantes.
En effet, Ce pays en apprentissage de la démocratie a changé cinq fois de constitution en l'espace de 35 années d'indépendance. Quelle crédibilité , Mesdames et Messieurs les politiques, vous les défenseurs irréductibles de l'unité comorienne et de Mayotte et les simples citoyens que nous sommes, avons nous aux yeux de l'opinion internationale et de nos cousins maorais lorsque chaque île composant l'Union des Comores menace à chaque mouvement d'humeur de se séparer et de faire imploser le pays?
Au lieu de se s'interroger sur les causes profondes de cette immaturité politique et chronique et d'identifier les racines de l'irrédentisme obsessionnel qui hante chacune des îles, les intellectuels et les cadres politiques et administratifs de ce pays s'attachent à bricoler à la hâte des solutions que l'on pense pérennes mais qui ne résolvent aucunement les problèmes soulevés. On s'attaque aux conséquences et oublie de façon consciente et concertée d'aborder les questions de fond.
L'enjeu est pourtant de taille car l'unité nationale est malmenée et gravement menacée. Pendant que Sambi et ses amis s'accrochent au pouvoir, dressent Mohéli et la Grande comore contre Anjouan, restaurent l'instabilité politique et aggravent l'insécurité sociale et économique, les intellectuels doivent serieusement se pencher sur l'idée et le concept mêmes de la nation comorienne.
Oser sans complexe ni démagogie se débarasser des scories de la politisation outrée et exagérée des concepts fondamentaux de la Nation, de la Patrie, et de l'Etat comoriens, galvaudés et dénaturés consciemment pour servir la cause de la revendication maoraise.
De quelle nation parlons nous? Comment la définissons- nous et qu'en est-elle aujourdh'ui?
Au delà de la langue, de la religion, des origines ethniques, des coutumes unanimement reconnus et ressassés, existe t-il une volonté commune et partagée de vivre ensemble?
Aussi provocateurs qu'ils paraîssent,ces questionnements auront je l'espère le mérite d'engager le débat et de susciter la réflexion collective.
Ce débat longtemps capturé par le militantisme et les politiques relève d'abord du champ des intellectuels et de tous ceux qui pensent, réfléchissent et conceptualisent .
Il leur appartient de nous éclairer sur ces sujets brûlants pour que les gouvernants et la société civile puissent s'approprier less fruits de leurs contributions et mener le travail de pédagogie, d'éducation et de persuation qui me semble nécessaire.
Pour engager ce début de rélexion, je me dois de citer largement le philosophe et historien RENAN qui demeure incontestablement celui qui a apporté le plus dans la définition du concept de nation (à la française bien sur) par rapport à celle des germaniques.
Ernest RENAN définissait en 1869 la nation comme" une âme, un principe spirituel...deux choses qui n'en font qu'une. L'une est dans lepassé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs; l'autre est le consentement, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçus indivis.
La nation poursuit cet auteur est donc une "grande solidarité, constituée par le sentiment de sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible: le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune".
Cette définition fait débat aujourdh'ui dans une vieille nation que nous connaissons bien , la France. Elle mérite d'être auscultée chez nous, dans une optique conforme aux réalités comoriennes contemporaines sans pour autant renier son caractère universel.
Bakari MOHAMED
25 janvier 2010