samedi 1 septembre 2012

Notre éducation n'est pas nationale. Et si on la renationalisait?



Nous assistons impuissamment depuis près d’un quart de siècle à une mort lente du système éducatif comorien. Les chiffres, statistiques et indicateurs publiés dans les rapports officiels et la presse nationale démontrent éloquemment l’immensurable précipice dans lequel est tombée l’éducation nationale.

Nos gouvernants versent des larmes de crocodiles à chaque publication des résultats des examens nationaux (BEPC, Baccalauréat) dont les derniers en date révèlent l’ampleur des dégâts.

Les experts nationaux comme étrangers, au chevet de ce système depuis des lustres, ne parviennent pas à soigner ce malade en phase terminale malgré les multiples conclaves (ateliers, séminaires et états généraux) dispendieux et inutiles.

L’école comorienne et tout le système éducatif sont « privatisés et vendus » à des marchands sans scrupules. Une aubaine pour des enseignants sous payés et en mal de reconnaissance qui trouvèrent là le moyen d’arrondir leurs fins de mois difficiles.

Mais, que rapporte cette privatisation déguisée à notre pauvre Etat ? Aucun centime, dans son escarcelle. Au contraire, ce dernier rétribue cahin-caha des fonctionnaires déserteurs qui émargent dans ces nombreuses écoles qui poussent comme du « mrimzungu » dans les quatre coins du pays.

En concédant à tout enseignant ou citoyen le droit d’ouvrir son école, sans conditions ni cahier des charges précis, les pouvoirs publics, tout régime confondu, ont abandonné la mission de service public qui devait garantir à tout enfant comorien le droit à l’instruction, au savoir et à la culture.

Ils ont laissé s’installer depuis de nombreuses années la pagaille et le désordre frayant ainsi la voie à l’instauration de l’école à deux vitesses qui élargit le fossé entre les possédants et les victimes de ce système inégalitaire.

Aux enfants des familles démunies, l’école publique : celle des déshérités et des oubliés de la République. Les seuls à la fréquenter sont ces malheureux enfants qui n’ont pas de tantes ni tontons expatriés en France, capables de régler l’écolage exigé par « ces patrons, marchands du savoir et de la culture ».

Les plus huppés des établissements, concentrés dans la capitale, scolarisent les filles et les fils de la nomenklentura locale. Ils engrangent les meilleurs résultats aux examens nationaux qui leur ouvrent royalement la voie à des études supérieures en France ou dans d’autres pays étrangers.

Le plus consternant dans cette histoire demeure l’absence d’un débat national autour de cette escroquerie monumentale dont les conséquences désastreuses sont patentes et avérées.

Les gouvernements successifs comme l‘ensemble de l’échiquier politique n’ont jamais annoncé au pays leur vision et projet éducatifs ni indiqué comment et avec quels moyens l’Union des Comores doit former sa jeunesse et les cadres de demain ?

Certes, les séminaires, états généraux et ateliers se sont multiplié ces dernières années dans les salles de conférences et hôtels du pays. Ils rapportent plus aux organisateurs et consultants qu’à la nation.

Nos cadres nationaux reprennent les antiennes des agences et organismes onusiens fixant des objectifs élaborés par une technocratie éloignée des réalités nationales.

Ils dissertent beaucoup sur les contenus, la qualité de la formation des maîtres, des professeurs et les grilles des salaires. Mais des slogans et des indicateurs ne constituent pas une politique. Les performances médiocres au baccalauréat, d’année en année, illustrent l’échec de ces interminables et inutiles rencontres.

Près de 75% de taux d’échec au premier groupe du baccalauréat 2012 à Ngazidja. Guère mieux dans les autres îles, sans parler de la triche organisée au plus haut sommet des instances organisatrices des épreuves.

Sous la contrainte et le diktat des institutions financières internationales, nos apprentis gouvernants, soucieux de rentrer dans les clous des exigences et des critères du FMI et de la Banque Mondiale, sabrent les budgets sociaux et sabordent ainsi le système éducatif comorien. Ils se rendent complices de ce désastre programmé.

Qu’attendent nos élites pensantes, les corps intermédiaires, les parents d’élèves, les démocrates et les progressistes attachés à un service public de l’enseignement et de l’éducation pour exiger des pouvoirs publics à changer de braquet et stopper ce naufrage qui compromet durablement l’avenir des Comores ?

Pour qu’il y ait un véritable changement, la nation tout entière doit se mobiliser et ériger la « nationalisation de l’Education Nationale « en grande cause nationale. La seule qui vaille et mérite le soutien du peuple, en ce temps de libéralisation excessive et de privatisations annoncées des sociétés publiques.

Le précieux bijou de famille que tout comorien doit préserver demeure à mon sens l « l’éducation pour tous » pour que l’égalité des chances et de la réussite soit réelle.

Bakari MOHAMED

Paris le, 15 août 2012

Publié dans Alwatwan du 22 août 2012