dimanche 7 août 2011

Altrnance démocratique et transparence: éléments de langage ou amnésie collective?



Alternance démocratique et transparence : éléments de langage ou amnésie collective ?



Une amnésie collective affecte la presse nationale et la blogosphère. A l’exception de quelques éditorialistes de renom qui savent prendre du recul pour nous informer, analyser et commenter, sans tomber dans les travers de l’agit-propagande.


Elle laisse pantois tout observateur distancié du microcosme politique de la Place de l’indépendance à Moroni



Comme à l’accoutumée, ces vecteurs de la communication entonnent à l’unisson la propagande des autorités et des proches du nouveau président de l’Union des Comores.



Deux éléments de langage sont mis en exergue par les communicants de Beit Salam et repris en chœur par les thuriféraires du régime ( souvent les mêmes qui ont encensé tous les Raîss) afin de frapper les esprits et marquer l’opinion nationale : Il s’agit de l’alternance démocratique et de la transparence dans la gestion des affaires et des finances publiques.



Si les mots et les discours ont leurs sens, peut- on véritablement parler d’alternance politique pour le cas de l’élection du Dr Ikililou à la magistrature suprême ? A cette interrogation, je répondrai par la négative.


Il est plus approprié d’évoquer d’alternance politique lorsqu’à l’issue d’une élection démocratique, l’opposition devient majoritaire ou que le président désigné par le suffrage universel émane des rangs des partis de l’opposition.



Ce qui, me semble t-il, est loin d’être le cas pour le chef de l’Etat nouvellement élu. Le président Ikililou est issu du sérail et de la mouvance présidentielle sambiste. Il dispose d’une confortable majorité parlementaire constituée d’élus du Baobab et du mouvement Orange, les deux principales formations ayant soutenu l’ex président Sambi durant son mandat.


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Autant ce dernier pouvait se targuer d’avoir incarné le changement et l’alternance en 2006, personne ne le lui contesterait.


Sambi a remporté haut la main l’élection présidentielle de 2006 et a été confortablement élu par les comoriens pour remplacer un régime AZALI, usé et corrompu qui cherchait à se cramponner au pouvoir.



Soutenu au second tour par une noria de partis de l’opposition, le candidat Sambi incarna effectivement le changement en permettant à l’opposition au régime des militaires d’accéder aux affaires de la nation.


En renvoyant les hommes en Kaki dans les casernes et la CRC dans l’opposition qu’elle a su assumer ces dernières années, c’est tout à son honneur, nos concitoyens avaient manifesté en 2006 leur désir de changement. Ils espéraient que cette fois là, leurs conditions sociales et économiques s’amélioreraient. Espoirs déçus comme par le passé.



Quelles alternance ou rupture le locataire actuel du palais de Beit Salam peut –il se réclamer quand on connaît les conditions dans lesquelles il a accédé au pouvoir?



Homme de confiance du président et régime sortants, le Dr Ikililou a été à la commande des manettes durant les six années de règne de Sambi. Différence de taille, ce dernier n’exerçait aucune fonction ministérielle avant son arrivée à la tête de l’Etat Comorien. Il était commerçant, prédicateur et ’opposant politique au régime d’Azali.



Alors que le premier président natif de l’île de Mohéli a occupé d’importantes hautes fonctions ministérielles dont le prestigieux département de l’économie et des finances. A ce titre, il a contribué à la mise en œuvre de la politique économique, sociale et diplomatique du régime de son prédécesseur dont les effets annoncés se font toujours attendre.



Candidat du Baobab, choisi par le Raiss sortant pour sa discrétion et sa fidélité inconditionnelle, soutenu financièrement et logistiquement par le mouvement Orange, la machine de guerre créée par les douaniers, le Dr Ikililou s’est présenté face aux électeurs comoriens comme « le candidat de la continuité ».



Candidat de la majorité présidentielle sortante, il a également bénéficié des largesses du régime et des moyens gigantesques déployés par l’appareil d’Etat pour mener tambour battant sa campagne, fortement marquée par la corruption massive des électeurs..



Voter Ikililou, c’était voter pour le président sortant. Et donc, pour la continuité et la poursuite de la politique et l’œuvre du président Sambi.



D’où ma stupéfaction et mon indignation face à la malhonnêteté intellectuelle et l’amnésie collective. Que les politiciens et des notables ( c’est leur gymnastique habituelle) fassent des éloges dithyrambiques et érigent le nouveau président au panthéon des grands Hommes d’Etat, vierge de tout soupçon, n’étonnerait personne.



Mais lire et entendre nos clercs ressasser à longueur de colonnes et d’interviews que le pays a connu l’alternance démocratique et vit dans la stabilité politique, il y a de quoi s’interroger sur la place et le rôle de nos intellectuels et des cadres du pays.



Etrange retournement de situation. D’un coup de baguette magique, après avoir reçu l’onction présidentielle, le président IKILILOU est devenu le pourfendeur et le plus ardent combattant de la corruption généralisée. Ce fléau dévastateur qui participe à l’appauvrissement et à la précarisation des comoriens et enrichit illicitement la caste des intouchables, encore et toujours en place, ces privilégiés aux comptes en banques bien garnis.



Modèle de la droiture, de la rigueur et de la transparence, le Président nouvellement élu devient le nouvel héros, Eliot Ness ou Antonio Di Pietro, pour ne pas dire le messie tant attendu pour éradiquer ce grand « Mal » que tout le monde dénonce pour l’avoir pratiqué d’une manière ou d’une autre et à des degrés différents.



Vite oubliées les critiques acerbes formulées à tort ou à raison pendant et après les élections présidentielles sur sa personnalité.


L’ex vice- président dont on disait « couvé et élevé » sous l’aile protectrice du président Sambi est paré de toutes les vertus aujourd’hui. Il n’est plus comptable ni responsable de la gabegie et des détournements pantagruéliques des deniers publics étalés au grand jour ces dernières semaines.


Il n’est plus le docile serviteur du président sortant, même si les principaux collaborateurs et ministres de l’ex locataire de Beit Salam ont gardé leurs places bien au chaud et sont devenus ses meilleurs conseillers.



On ne change pas une équipe et une politique qui gagnent dit l’adage populaire. Alternance, rupture, continuité, transparence, cancer de la corruption, assainissement et dégraissage des effectifs de la fonction publique, privatisation des sociétés d’Etat sur recommandation du FMI, grands projets de développements sous financement de nos frères et coreligionnaires arabes, bonnes résolutions sur l’avancée de la question de Mayotte, Mamwé et ses délestages récurrents depuis 1997, pénurie d’essence, hydrocarbures, conflits de compétences entre les iles et l’Union, retournement des vestes des cadres et politiques, poids écrasant de la notabilité de Ngazidja, clientélisme électorale, santé et éducation à l’agonie, dépravation des mœurs, confusion des genres et j’en passe….sont les maux et mots qui illustrent la continuité du régime pour ne pas dire des régimes qui se sont succédé aux Comores depuis l’indépendance.



Le Président saura t-il relever le défi et amorcer une révolution copernicienne pour mettre fin à cette malédiction et au fatalisme endémiques. On ne peut que le lui souhaiter.



Bakari MOHAMED



Paris le 26 juillet 2011







samedi 28 mai 2011

PASSERELLE : Un pont pour le rapprochement de nos îles


Depuis une quarantaine d’années, deux visions politiques dominent largement le débat national sur la question maoraise. Deux écoles de pensées qui s’affrontent violemment et durement.

Celle « des départementalistes » partisans d’un éloignement de Mayotte du reste des îles Comores et de son ancrage dans la république française et celle initiée par la mouvance révolutionnaire et maoisante incarnée par l’ASEC, le Pasoco et le Front démocratique plus tard, prônant l’indépendance immédiate et l’intégrité territoriale..

Les présidents Ahmed Abdallah, sacré père de l’indépendance et Ali Soilihi, principaux artisans de la décolonisation ratée de l’archipel des Comores, n’ont jamais incarné le courant indépendantiste.

Ils ont opportunément pris le train en marche en édulcorant la vision révolutionnaire de l’ASEC et du Pasoco, frayant ainsi la voie au séparatisme qui fait débat aujourd’hui.

Ahmed Abdallah voulait une « indépendance dans l’amitié et la collaboration avec la France » et préconisait une évolution progressive vers la souveraineté nationale prévue par « les accords « d’Oudinot » paraphés le 15 juin 1973.

Face à l’intransigeance des parlementaires gaullistes, nostalgiques d’une Algérie française et l’efficace travail de lobbying des royalistes de l’Action française, l’ex sénateur du palais du Luxembourg finit par déclarer unilatéralement l’indépendance et d’exiger le départ de la France et des troupes françaises.

Deux des six points de la plateforme du Front patriotique Uni (FPU) très chère aux Mao que le Mongozi a repris partiellement après son coup d’état du 3 août 1975.

De cette bataille frontale entre ces deux visions politiques, feu Younoussa Bamana, Marcel Henri et Adrien Giraud ont remporté la première manche en atteignant leur objectif principal : la départementalisation de Mayotte le 31 mars 2011.

La consécration d’un demi siècle de combat et une victoire historique incontestable des maorais.

Les résultats du référendum du 29 mars 2009 attestaient et confirmaient la volonté des maorais à poursuivre encore leur chemin avec la France, dans un statut qu’ils croient figé et gravé dans le marbre.

Pour combien de temps et dans quelles conditions ce statut départemental durera t-il ? Quelles mutations provoquera t-il dans les fondements des valeurs morales, religieuses, sociétales et le modèle de développement économique et social de cette île ? Quelles seront les élites politiques et administratives de demain et quelles revendications porteront elles ? Nul ne le sait à ce jour et ne saura donner de réponses définitives à ces interrogations.

Du côté de Moroni, l’acceptation de l’ancrage définitif de Mayotte dans la république française, en devenant le 101ème département paraît inacceptable. Il signifierait une trahison nationale qu’aucun comorien ne pardonnerait.

Les comoriens s’accrochent légitimement à cette revendication. La seule qui vaille, dans un pays profondément traumatisé, meurtri et appauvri.

Pour oublier nos désillusions, nos rêves brisés d’une décolonisation chaotique, inaboutie et complètement ratée, car mal pensée, nous nous sommes trouvés un nouveau rêve : le combat pour l’unité nationale.

Le nationalisme et le patriotisme aux relents anticolonialiste et anti-impérialiste ressurgissent brutalement dans le débat qui agite le cercle fermé des intellectuels et des cadres du pays.

Les anathèmes et les invectives que l’on croyait surannés et révolus refont surface. Les bien pensants de notre société sont invités à choisir leur camp et à grossir celui de l’anticolonialisme.

L’ode des années révolutionnaires et anti-impérialistes renaît et retentit. Toute autre voix qui énonce et tente d’explorer d’autres voies alternatives à celles qui nous sont présentées jusqu’ici demeure inaudible.

Nos concitoyens qui veulent sortir des schémas formatés, des pensées sclérosées et du moule unique dans lequel nous sommes confinés depuis ces quarante dernières années sont ostracisés. C’est le cas de Youssouf Moussa à Mayotte.

Ils deviennent des félons et des traitres à la nation, vigoureusement dénoncés à longueur des colonnes des journaux et des blogs, qui font florès à Moroni et dans la diaspora comorienne.

Ce discours suspicieux et parfois haineux n’enchante pas les démunis. Cette majorité silencieuse qui aspire légitimement à des meilleures conditions économiques et sociales que les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance ne parviennent pas à satisfaire.

Le peuple n’est pas dupe et mesure les maigres résultats obtenus. Aucune avancée significative n’est enregistrée par la diplomatie comorienne trente six années après l’admission des Comores à l’ONU.

Les soutiens diplomatiques se limitent aux réaffirmations des déclarations de principes. Pis, nos responsables politiques s’accusent mutuellement d’avoir retiré depuis plusieurs années l’inscription de la question maoraise à l’ordre du jour de l’assemblée générale des nations unies.

Les laissés pour compte de la société inégalitaire et injuste que » les honorables faiseurs de rêve » ont enfanté, s’entassent dangereusement dans les embarcations de fortune et tentent quotidiennement de regagner « Mayotte l’eldorado », leur rêve inaccessible. Des centaines ont péri et gisent dans le bras de mer qui sépare Anjouan des côtes maoraises.

Qui parmi nous tous, qui avons le privilège de manger à notre faim, d’éduquer nos enfants, nous soigner et secourir les nôtres en cas de besoin, ne connaît pas une femme ou un homme, jeune ou moins jeune, qui rêve de Mayotte à défaut de franchir les frontières de l’espace Schengen ?

Le rêve de l’unité nationale inscrit sur les fonts baptismaux de l’Union des Comores, aussi magnifique qu’il soit, n’enthousiasme pas les désenchantés de l’indépendance, ces femmes et ces hommes dépourvus de tout système de soins et de protection sociale digne de ce nom qui aspirent au minimum vital.

Aussi populaire et patriotique qu’il soit, ce rêve n’offre pas de débouchés ni d’emplois à cette cohorte de jeunes sortis du système éducatif par centaines sans aucune perspective d’avenir.

Le beau rêve séduit seulement la fraction la plus éclairée et engagée de l’intelligentsia qui gravite autour du Comité Maoré et de la kyrielle d’associations qui font entendre avec justesse et passion leur anticolonialisme.

Il convient également aux politiciens surgis de nulle part, bien installés dans le système et qui ont érigé la corruption, la courtisanerie, l’assistanat, l’émigration des forces vives et la diplomatie de la mendicité en un système et mode de gestion des affaires de la nation.

Alors, faut il au nom de « l’union sacrée ou de la raison d’Etat » étouffer le débat, stériliser les pensées et enfermer tout le monde dans le moule de l’anticolonialisme primaire et du juridisme pointilleux, cette pensée unique qui nous a fait tort dans le passé ? Ou au contraire, laisser d’autres voix plus iconoclastes s’exprimer et s’affronter pour qu’enfin s’ébauche un véritable débat national autour de la question maoraise et de nos rapports avec nos compatriotes de l’île de Mayotte.

Dans le contexte politique et institutionnel actuel, la pluralité des opinions et la diversité des approches s’imposent pour faire progresser le dialogue et trouver les réponses appropriées aux questionnements soulevés par cette séparation douloureuse qui dure depuis trente six années.

Elles s’avèrent incontournables et salutaires pour que ce débat passionné et hautement politique ne soit capturé par les tendances extrémistes dominantes ici ou la bas.

C’est la voie que souhaite explorer PASSERELLE : un cercle d’échange, de discussion, de réflexion autour de la problématique du rapprochement nécessaire et indispensable des îles que je propose de créer ensemble.

PASSERELLE veut être un lieu d’expression démocratique, ouvert aux femmes et aux hommes de l’archipel des Comores qui souhaitent militer autrement et ardemment pour le dialogue, le développement économique, social et culturel et le bien être de nos populations.

PASSERELLE parie sur l’intelligence des femmes et des hommes à Mayotte et le reste de l’archipel qui oseront sortir des sentiers battus, prendre le risque politique et intellectuel de transgresser les tabous imposés, questionner et revisiter notre histoire commune et affirmer sans complaisance ni concession nos divergences et nos convergences.

Nous devons réapprendre à parler avec sincérité à nos frères maorais, cultiver et nourrir le dialogue, nous écouter, nous respecter et refuser de se considérer comme des irréductibles ennemis.

PASSERELLE n’est lié à aucun mouvement politique ni un groupuscule militant. Il se veut indépendant de tous les pouvoirs et des gouvernements.

C’est une boîte à idée, sorte de think tank , ouverte aux talents, aux compétences des femmes et des hommes issus d’horizons politiques et intellectuels différents, favorables au dialogue et à la compréhension mutuelle des frères de sang qui ne se parlent plus depuis trente six ans.

C’est le lieu où sans passion, ni haine, les intellectuels et les cadres des îles de l’archipel des Comores, peuvent commencer à penser les Comores de demain. Un pari audacieux pour nos îles et nos populations.

Bakari MOHAMED

Paris, le 15 mai 2011

dimanche 27 mars 2011

Français ou comoriens. Pourquoi devrions nous choisir?


En pleine campagne présidentielle,"Babou des îles" titrait dans l'édition du 26 octobre 2010 du quotidien Alwatwan: Être français et président des Comores. Boire ou conduire, il faudra choisir.

Le message de l'auteur de cette chronique est limpide. On ne peut pas être français et accéder à la magistrature suprême en Union des Comores. Le destinataire était bien identifié et ciblé. Il s'agissait du juriste et professeur Abdou Djabir, candidat malheureux aux dernières élections présidentielles.

Serait il la seule cible de cette frange éclairée de l'opinion nationale qui, au nom de l'intégrité territoriale, du patriotisme et du nationalisme, cloue au pilori tous ceux qui possèdent un passeport tricolore ou émettent des opinions discordantes sur l'épineuse question maoraise?

Cette belle plume, croquant la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays, soulève un sujet très sensible et délicat aux conséquences incalculables: la double nationalité, pourtant reconnue par la constitution de l'Union des Comores.

Au delà du cas Djabir, le message habilement véhiculé dans cette chronique s'adresse aux milliers de franco-comoriens sommés par l'élite pensante du pays de choisir entre boire et conduire. Entendez bien, le choix d'être comorien ou français pour devenir président de la république, directeur d'une société publique, d'une administration centrale, entrepreneur dans le secteur privé, sportif ou artiste.

Nous sommes des centaines d'éboueurs, d'ouvriers, de femmes de ménage, de vendeurs de journaux, de petits agents du secteur public, de Rmistes ou bénéficiaires du RSA, de chômeurs de longue durée, de cadres et ingénieurs victimes de cette défiance qui ma paraît insultante et révoltante.

En raison de notre binationalité, on est considéré comme des sous patriotes, des citoyens de seconde zone pour ne pas dire des "vendus ou traîtres" à la solde de la France.

Immigrés, parents d'enfants nés en France et donc français par le droit du sol, nous sommes profondément attachés à nos racines, à notre culture, à notre pays et à son intégrité territoriale.
Certains parmi nous s'intéressent à la vie politique locale. D'autres militent dans des organisations politiques, associatives et culturelles et rêvent comme beaucoup de leurs concitoyens de changement et de progrès.

Et pourtant, nous n'avons pas voix au chapitre. Nous sommes, convenons nous en, des "non citoyens" car non électeurs. Ce droit démocratique le plus élémentaire de désigner les femmes et les hommes qui dirigent notre pays ne nous est pas reconnu.
Ici repose le véritable débat. Il est posé depuis deux décennies et n'a jamais eu de réponse satisfaisante. Et pour cause! ça arrange les "acheteurs des consciences".

En revanche, dès qu'il s'agit de "pêcher" les voix de nos familles, les politiques et les bien pensants de la République savent où nous retrouver. Ils sillonnent les cités populaires des villes de Marseille, Lyon, Paris et Nice et sollicitent l'appui et le soutien de cette communauté déchirée entre intégration et communautarisation.

Alors, boire ou conduire, parlons en. En soulevant la question du choix, Babou des îles exprime par sa belle plume aux accents très nationalistes, ce que beaucoup de nos compatriotes pensent parfois tout bas des "je viens" comme on les appelle péjorativement.

Que diriez vous à nos enfants, nés et grandis ici, qui souhaiteraient apporter leur modeste contribution à l'édification du pays de leurs parents? Seront ils marqués au fer rouge ou obligés de décliner leur certificat de bonne conduite patriotique et nationaliste pour se faire admettre dans la communauté nationale? Ou les refoulerez vous hors des frontières nationales en exigeant qu'ils renoncent à leur nationalité française?

Ce débat est passé sous silence. Et pour cause! Cette dérive patriotique me paraît inquiétante à double titre. Je suis comorien et défie quiconque pourra contester mon attachement à la terre comorienne, à sa culture, aux femmes et aux hommes qui ont façonné ce pays que j'adore.

Je suis également de nationalité et de culture françaises car j'ai exprimé la volonté d'appartenir à cette communauté, le pays de naissance de mes enfants.
J'y vis, y travaille et me sens aussi bien à Paris qu'au bord de mer de Mitsamiouli. Faut il voir en cela un reniement ou une trahison quelconque à ma patrie dès lors que cette double appartenance ne nuit pas aux intérêts vitaux de la jeune nation comorienne?

Que dit notre "Babou des îles" des comoriens confortablement bien installés dans le système, responsables de la corruption généralisée, de l'incurie et de la pauvreté qui incitent des centaines de malheureux à mourir dans le bras de mer qui sépare Anjouan de l'île de Mayotte ou qui grossissent les rangs des sans papiers en France métropolitaine, quand les donneurs de leçons de patriotisme peuvent être les passeurs et chefs des réseaux de clandestins potentiels?

N'est ce pas paradoxale de "vendre" la citoyenneté comorienne à des richissimes coreligionnaires arabo-musulmans ou à des des maffias douteuses et obliger aux comoriens nés de parents comoriens à choisir entre boire et conduire?

Alors, de grâce, ne nous obligez pas à faire ce choix cornélien.

Bakari MOHAMED
Le 23 mars 2011